Pendant
trente ou quarante ans, les littératures non conformes, fil du rasoir, sont souvent venues des Amériques, l’école beat, la vague hippie, la vague yuppie froide des Easton Ellis et Mc
Inerney, les littératures transgressives des années 1980-90 des minorités
sexuelles ou ethniques. Puis, à force d’être ressassé en boucle, l’exotisme s’est
émoussé, et ses thèmes adaptés à l’Hexagone par les imitateurs locaux, se sont
affadis.
Louison
— nommée ainsi en référence à l’instrument tranchant des peines capitales que
les auteurs de polar français des années 1950 appelaient La Bascule à Charlot — en se tournant vers ce qu’il y a de plus
inattendu, de plus vigoureux dans la force longtemps contenue et souterraine
des littératures d’expression russe modernes, cherche à retrouver la surprise,
le choc et l’émerveillement. Cette fois, ils viendront d’une culture mal
connue, mal comprise, enfermée par l’Occident dans des clichés vieux d’un
siècle.
De
même, dans la littérature d’expression française — étouffée dans l’écheveau
politicien des chapelles et des réseaux, de menées éditoriales
psychologisantes, mièvres, historico-convenues, ou encore la littérature des
complexes, très à la mode — Louison
recherchera le tranchant des courants souterrains du style et du métier, chez
des romanciers souvent négligés ou jugés peu vendeurs par les très agressifs et
très incultes départements marketing
des éditeurs. Œuvrant souvent dans l’ombre, voire dans l’anonymat. Ambitieux
programme, jugera-t-on, gageure !… Pourtant, dans un monde éditorial
déclinant à la remorque d’un petit commerce écrasant tout sur son passage, il y
avait bien longtemps qu’une telle volonté ne s’était exprimée avec vigueur,
qu’on n’avait plus souhaité danser sur le fil de lame. C’est déjà une
nouveauté, mieux même, un scoop.